(en anglais, colony collapse disorder ou CCD).
Compte rendu de la conférence du 16 septembre 2007 à Couleur Miel-Andenne par Jeanine Kievits
La première partie de la conférence a caractérisé le phénomène du dépérissement, puis dans un second temps les causes possibles ont été analysées ainsi que leur vraisemblance. Pour terminer les insecticides systémiques ont fait l’objet d’un long développement.
Pour parler du dépérissement des abeilles, il est important de définir le sujet en répondant aux questions : quoi, où, quand, combien.
Plusieurs observations ont été notées au sujet du dépérissement :
La disparition d’une colonie forte qui quelques jours auparavant était en pleine activité, laissant dans la ruche, couvain, provisions et aucun indice (cadavre, adresse de renvoi du courrier ...).
En hiver ou au printemps, la disparition des butineuses.
Il ne reste dans certains cas qu’une faible grappe d’abeilles de la taille d’une balle de tennis autour de la reine. Parfois, ce très petit groupe d’abeille survit et reconstitue une colonie viable. Le phénomène est réversible.
Une répartition spatiale contrastée selon les zones avec une fréquence plus importantes dans les zones de cultures intensives. Le dépérissement semble lié au lieu et ne se reproduit pas au même endroit au fil des ans. Sur une carte il forme des taches comme celles de la peau d’un léopard, mais qui se déplacent dans le temps.
Le dépérissement a été observé dans de nombreux pays : 1993 Sud Ouest de la France (colonies sur le tournesol), 2006 fortes pertes en RFA, fin 2006 et en 2007 Canada et USA. Les apiculteurs Grecs, Italiens, Espagnols, Portugais, Suisses, Belges, Néerlandais et Polonais ont aussi signalés des cas de dépérissement. Dans les années 70 aux USA un phénomène semblable a eu lieu. A cette époque il avait été nommé « disappearing disease » ou maladie de la disparition.
L’estimation quantitative du dépérissement est difficile, car il existe de fortes disparités d’une zone à une autres et toutes les pertes ne sont pas déclarée et encore moins enregistrées. Voici quelques données fragmentaires :
Lors de dépérissement massif comme ce fut le cas en RFA en 2006 et en Amérique du nord en 2006-2007, en moyenne, 40% des colonies ont disparu.
Dans les cas extrêmes, des ruchers de plus de 100 ruches ont été détruits de 85 à 90 % alors que d’autres ne l’ont pas été du tout.
A partir de ce cadre de référence, voici quelques causes les plus fréquemment cités et leur analyse par rapport au dépérissement :
Des carences alimentaires.
Les ondes électromagnétiques.
Le changement climatique.
Le traitement anti-varroas.
Les maladies (nosémose, viroses, ...).
Les produits phytosanitaires d’origine agricole.
Sur base de cette liste non exhaustive il est fréquent d’entendre que le dépérissement des abeilles est une conjonction de ces facteurs et qu’il est difficile de déterminer une cause et à fortiori d’agir pour enrayer le phénomène. C’est un peu facile...Essayons de les analyser une à une.
La carence alimentaire semble peu probable, car le phénomène se reproduirait selon un schéma spatial fixe qui correspondrait aux zones ayant de faibles ressources alimentaires. D’autre part le dépérissement s’est manifesté dans des régions à forte biodiversité florale offrant une variété importante de nourriture aux abeilles.
Pour ce qui concerne les ondes électromagnétiques, tout vient d’une expérience menée par l’université de Landau (RFA) indépendamment du dépérissement qui consistait à placer un émetteur de radio fréquence près des ruches. A ce jour tout lien entre l’expérience de l’université et le CCD est une spéculation sans fondement.
Le changement climatique est lui aussi peu probable, car l’abeille s’est adaptée à des conditions climatiques trés variées sur toute la surface du globe depuis environ cinquante millions d’années. Le changement climatique que nous vivons n’est rien en comparaison d’un si longue histoire.
Mettre en cause les traitements anti-varroas est aussi insatisfaisant. Car il est maintenant démontré qu’un traitement adéquat, tant en ce qui concerne le produit que la méthode, diminue la mortalité et le dépérissement des abeilles. Cette hypothèse est aussi contredite par le cas des apiculteurs qui ont observé le dépérissement sur certains de leurs ruchers et pas sur d’autres alors qu’ils les avaient tous traités de façon identique.
En revanche, s’il n’existe pas de lien démontré entre un produit de traitement anti-varroa et le dépérissement, la trace de produits toxiques pour l’abeille, utilisés par certains apiculteurs dans le cadre de la lutte anti-varroas a été retrouvée dans certaines colonies ayant souffert de dépérissement. Les apiculteurs dans l’intérêt de leurs abeilles ont tout à gagner en n’utilisant que les produits autorisés pour lutter contre varroas.
Plusieurs agents pathogènes à l’origine de maladies des abeilles ont été incriminées : la combinaison de varroas et du virus des ailes déformées (Difformed Wing Virus), nosema ceranae, Israeli Acute Paralysis Virus, la combinaison de Varroa avec un virus inconnu...
Soit les signes cliniques de ces maladies ( DWV, IAPV) ne correspondent pas avec les signes du dépérissement, soit la présence de l’agent pathogène (nosema cerenae) dans les colonies atteintes n’est pas systématique. Enfin la répartition spatiales contrasté ainsi que la réversibilité du dépérissement ne correspondent pas avec le tableau clinique d’une maladie infectieuse quelle qu’elle soit.
Le cas des produits phytosanitaires employés dans l’agriculture présente des points qu’il est utile de rappeler.
Les insecticides de dernière génération sont à base de néo-nicotinoïdes. Leur substance active a une toxicité forte qui persiste beaucoup plus longtemps que les produits de la génération précédante, souvent pulvérisés, qui se dégradait rapidement sous l’action du soleil (dégradation par la chaleur et la lumière) et de la pluie (dilution et absorption dans le sol). Un insecticide systémique est présent dans la graine lorsqu’elle est semée et se propagera dans toute la plante au cours de sa croissance. De plus il reste présent dans le sol pendant longtemps : 545 jours pour la clothianidine). Il est fréquent d’avoir une persistance dans le sol d’environ 100 jours ( imidaclopride entre 48 et 190 jours, Fipronil 142 jours,...). On a trouvé des traces dans le nectar et le pollen. C’est un neurotoxique qui même à faible concentration en exposition continue a des effets sub-letaux pouvant entre autres altérer le comportement des insectes comme par exemple la perte du sens de l’orientation.
Ce type d’empoisonnement est compatible avec un schéma spatial « en tache type peau de léopard » mouvant dans le temps et avec la réversibilité qui ont été observés. Il est possible qu’en synergie avec Nosema Ceranae, il entraîne une dégradation du système immunitaire mais ceci n’a été ni testé ni démontré.
Il n’existe pas à ce jour d’étude au sujet des abeilles dans un environnement où ces produits sont présents en continu. Plusieurs questions restent sans réponses à ce jour :
Les individus ne meurent pas, mais quel est l’impact de l’altération de leur comportement sur la colonie ?
Quel est l’impact de ces produits sur les larves, les abeilles d’hiver, les abeilles d’été, sur les butineuses, les ouvrières qui sont dans la ruche?
Quel est l’impact sur les abeilles qui consomment de façon différée la nourriture récoltée sur des plantes traitées ?
En conclusion, il apparaît que ce sujet n’est pas facile à comprendre. Les produits phytosanitaires agricoles sont aujourd’hui la cause la plus probable du dépérissement bien que beaucoup de questions restent sans réponse et qu’il n’y a pas de lien démontré entre l’utilisation de ces produits et le dépérissement.
Les connaissances à ce sujet sont en constante évolution. Il y a pour l’instant très peu de faits établis scientifiquement, et beaucoup d’informations partielles voire partiales ou volontairement orientées.
Nous devons donc nous tenir informés et éviter de construire notre pratique apicole sur des certitudes toutes faites mais peu ou mal fondées. C’est pourquoi, je vous recommande, si vous êtes à l’aise avec la langue de Shakespeare, de lire l’article très complet de Wikipedia qui traite de ce sujet :

http://en.wikipedia.org/wiki/Colony_collapse_disorder.

PE.