Depuis plusieurs années, les menaces qui planent sur des abeilles suscitent un intérêt voire un engouement de la part du grand public. Au-delà de l’intérêt du miel d’antan, la pratique de l’apiculture rurale mais aussi urbaine connaissent également un regain d’activité. Bruxelles, où l’apiculture s’est fortement développée, n’échappe pas à la règle. Ses spécificités suscitent un engouement pour y installer des colonies : 50% du territoire est composé d’espaces verts, colonies fortes, la productivité parfois supérieure à la moyenne….

A côté de l’apiculture de loisir est apparue ces dernières années une autre apiculture, l’apiculture de marketing. Celle-ci s’inscrit dans la vague de «greenwashing » qui déferle depuis quelques années dans notre société de consommation. Il faut être extrêmement prudent avec ce nouveau type d’apiculture urbaine. En effet, deux apicultures aux objectifs totalement opposés et, à terme incompatibles, s’affrontent désormais en région bruxelloise, mais également dans les autres centres urbains. Sous prétexte de vouloir défendre la biodiversité, les apiculteurs de marketing veulent installer des ruches n'importe où, sans réflexion sur leur localisation, en mettant finalement en péril la biodiversité ce qui est l’inverse du but recherché.

En effet, à certains endroits, une chute importante de la productivité par ruche a été constatée après l'installation de colonies supplémentaires. Ceci pourrait démontrer une concurrence entre abeilles mellifères qui auraient atteint la limite de disponibilité de nourriture.

Autre danger beaucoup plus grave : cette concurrence joue également vis-à-vis des autres insectes pollinisateurs qui sont tout aussi importants pour le maintien de la biodiversité. Avant l’apparition récente de l’apiculture de marketing, les abeilles étaient déjà présentes en ville. Elles y ont été introduites par les apiculteurs de loisir, alors que la ville n’est pas le biotope prioritaire de l’abeille.

L’apiculture de marketing procède d’une démarche de communication verte et commerciale. « Nous vous offrons un moyen de renforcer votre communication et la perception de votre entreprise grâce à la sympathie dont jouissent actuellement les abeilles dans le grand public. Hier c’étaient les bébés phoques, aujourd’hui ce sont les abeilles. Pour demain, on vous préviendra dès que nous en saurons plus. »

Efficaces dans la communication, quitte à prendre quelques libertés avec la rigueur scientifique, certains apiculteurs de marketing s’annoncent comme : « Une société belge créée par 4 associés ayant fait Solvay dont un membre est un expert mondialement reconnu de la problématique de l’abeille et de la biodiversité ». Business  et référence scientifique autoproclamée ……

Parler de sauvegarder la biodiversité de la campagne grâce aux abeilles de la ville est une contre-vérité ou à tout le moins excessif. A la campagne, comme en ville, les abeilles ne créent pas la biodiversité et certainement, loin de là, pas à elles seules. Elles en profitent et en assurent son maintien, pour autant que l’homme ne s’en mêle pas trop. D’autre part, c’est à la campagne que la biodiversité est menacée , tout comme les insectes pollinisateurs et l’apiculture rurale. C’est là qu’il faut fondamentalement lutter contre la monoculture avec son lot de néonicotinoïdes conduisant à la disparition à la fois des biotopes favorables et des insectes utiles. Mais évidemment, les firmes ont leur siège social en ville et non à la campagne…
L’apiculture urbaine doit rester principalement une activité de loisir. Donnons la priorité à de petits ruchers de quelques ruches, équitablement répartis sur l'ensemble de la Région bruxelloise. Gérés par des apiculteurs diplômés, souvent habitants du quartier, et dès lors soucieux de ne pas provoquer de nuisances pour leurs voisins, ils ne provoqueront pas de déséquilibre environnemental. Dans cette optique, instaurer l’obligation de déclarer la localisation de tout rucher est, à terme, un pas indispensable à franchir pour une meilleure gestion de l’apiculture urbaine.
Continuons à promouvoir l’utilisation de ruches à cadres témoins, de ruchettes pour faire des divisions et de l’écrémage, et de couvres-cadres transparents qui facilitent la conduite d’une colonie pour diminuer les risques d’essaimage.
A nous de demeurer exigeants vis-à-vis de nous-mêmes. Notre statut d’apiculteurs urbains de loisir sera d’autant respecté et reconnu que notre apiculture sera pratiquée en professionnels.

Didier Paternotte et  Yves Van Parys