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Après tant d’années de luttes contre les varroas, les lecteurs assidus du Rucher Fleuri et les élèves débutants du cours d’apiculture seront tous bien conscients de l’importance de lutter contre ces ignobles bestioles qui, tels des vampires assoiffés d’hémolymphe, infestent nos innocentes abeilles (sans hélas leur conférer l’immortalité par la même occasion).

Si la plupart des apiculteurs s’accordent sur le traitement à l’acide oxalique à appliquer en hiver (on ne peut jamais dire ‘tout le monde’ en apiculture, car il y a toujours bien quelques irréductibles opposants qui résistent encore et toujours à leur manière à l’envahisseur…), les avis et méthodes divergent concernant le traitement d’été.

L’une des techniques préconisées est la méthode dite« allemande ». Mon but n’est pas d’expliquer cette technique, car elle a déjà été expliquée dans le Rucher Fleuri et dans les cours d’apiculture (merci Marc !). Pour ceux qui auraient raté ces explications, il s’agit d’isoler la reine dans une hausse placée sous le corps de la ruche pendant 3 semaines, en y séparant le corps de la hausse par une grille à reine, le temps qu’il n’y ait plus de couvain operculé. Après 3 semaines, tout le couvain du corps est né et on peut alors asperger tous les cadres du corps avec de l’acide oxalique, puis réintroduire la reine dans la colonie, en enlevant bien sûr la hausse et donc tous le couvain récent. L’avantage est que cette rupture de ponte artificielle permet de faire tomber les varroas phorétiques (c’est-à-dire, ceux accrochés aux abeilles) par un traitement en une fois. Bref, un « blitzkrieg » contre le varroa.

Mon propos n’est pas d’exposer les avantages et inconvénients de cette méthode, mais de vous faire partager mes essais (et erreurs) pour arriver à résoudre deux problèmes qui me turlupinaient. Tout d’abord, placer des hausses sous le corps de la ruche, en plein juillet, c’est bien beau, mais pour ceux qui, comme moi, n’ont pas passé assez de temps à cultiver leurs abdominaux, on en prend plein le dos ! D’où l’idée de mettre la hausse au-dessus du corps (idée qui n’a rien de lumineux, mais qui a le mérite d’être nettement plus ergonomique).

Pratiquement, l’été passé, à la mi-juillet, après avoir récolté le miel et en partie nourri pour donner à mes abeilles de quoi tenir pendant mes vacances, j’ai remis une hausse sur mes ruches et y ai enfermé mes reines respectives, bloquées par la grille à reine. Toutes mes reines ? Evidemment, non, car il faut toujours bien qu’il y ait une récalcitrante qui arrive à se cacher dans un recoin, surtout quand on est pressé de les trouver car on part en vacances le lendemain... Je précise en passant qu’en général, je récolte vers le 10 juillet, je nourris juste après, et je commence le traitement anti-varroa dans la foulée. L’idée étant de profiter de la masse d’abeilles d’été pour assimiler le sucre du nourrissement, et de libérer les colonies de leurs varroas avant la ponte des abeilles d’hiver.

Me voilà donc parti en vacances le 21 juillet, l’esprit pas tout à fait léger, me demandant ce que j’allais trouver à mon retour. A peine rentré, le 10 août, je me précipite sur mes ruches pour vérifier comment les reines ont survécu à leur exil. Bonne surprise, la plupart avait commencé à pondre, certaines avec retard cependant, car le couvain n’était pas très important et majoritairement ouvert. L’endroit ne devait pas trop leur plaire et elles ont sans doute essayé pendant tout un temps de retourner dans le couvain, notamment parce que j’avais mis des cadres qui n’avaient contenu que du miel (après centrifugation évidemment). Il paraît que les reines n’aiment pas pondre là. Leçon retenue, la prochaine fois je leur mets quelques cadres qui ont contenu du couvain dans la hausse.

Une fois cette première question résolue, me restait une deuxième : mais que fait-on des hausses contenant couvain, pollen et miel, après avoir appliqué le traitement d’été ? Eh ben pardi, c’est tout simple, on les empile, comme on fait avec des ruches divisibles. Je réunis donc tous les couvains de hausses dans 1 ou 2 hausses, en prenant soin de recréer plus ou moins la configuration des cadres (miel-pollen-couvain) comme dans une ruche, et j’empile les hausses (4 dans mon cas) sur un plateau anti-varroa et avec des abeilles dedans. J’asperge le tout d’acide oxalique et, comme il reste du couvain fermé, j’y ajoute après des éponges de Thymovar (3 demi-éponges). Reste un petit détail… la reine. Comme on est déjà le 8 août, un remérage n’est pas impossible (j’ai déjà eu des reines fécondées en septembre…), mais le succès n’est pas garanti. J’ai donc placé un corps de mini-plus avec petite colonie et reine au-dessus. Au bout d’une semaine, la reine était restée dans la mini-plus, et des cellules royales étaient présentes dans le corps. J’ai donc détruit toutes les cellules royales, mis toutes les abeilles de la mini-plus dans le corps, enlevé la mini-plus, et réintroduit la reine dans une cagette Nicot avec un petit bouchon de candi. La colonie s’étant reformée correctement, j’ai aussi pu réduire à deux hausses (deux demi-corps) et j’ai commencé à nourrir. J’ai aussi remplacé les éponges de Thymovar après 3 semaines. Au final, ma colonie semblait entamer l’hiver en pleine forme.  

En novembre, la plupart de mes colonies ont subi un grand coup. Leur population a été fortement réduite, et, dans la vallée, certains apiculteurs se plaignaient déjà d’avoir presque tout perdu. La cause pointée du doigt par tous comme certaine ou probable, est un magnifique champ de phacélie et tournesol, tout bourdonnant d’abeilles jusqu’en plein octobre. Se sont-elles épuisées à butiner ? Ou bien ont-elles été intoxiquées par des pesticides résiduels présents dans le nectar ? Le débat est loin d’être résolu… Le fait est qu’en septembre, lors de ma dernière visite aux colonies, mes ruches étaient pleines de pollen bleu-mauve, typique de la phacélie.
Après le traitement d’hiver réalisé le 24 décembre (mes varroas n’aiment pas Noël…), sur 6 colonies suivies, la colonie créée sur deux hausses est celle qui a eu le moins de chute de varroas (300 contre 900 ailleurs, sur des colonies moyennes à petites (3-4 rangs)). J’y ai vu d’abord une confirmation de l’efficacité de la méthode appliquée. Seulement voilà, c’était oublier qu’une faible quantité de varroas tombés, ça peut vouloir dire beaucoup de choses, et notamment ça peut indiquer simplement que… le nombre d’abeilles y était plus faible… De fait, lors de la dernière offensive hivernale de janvier, j’ai retrouvé beaucoup d’abeilles mortes dans la neige, particulièrement devant cette ruche. Et après le dégel, plus aucun mouvement : la ruche était morte, avec la reine recroquevillée dedans.

En révisant mes notes prises durant l’année apicole, je me rends compte à l’heure de clôturer cet article d’un fait frappant : sur 10 ruches traitées à l’acide oxalique début août (réparties sur deux ruchers), il y a 3 ruches où je n’ai pas réussi à isoler la reine avant le traitement, et parmi ces 3 ruches, je compte 2 ruches mortes (celle évoquée plus haut, ainsi qu’une colonie située une dans un autre rucher, hors de portée du champ de fleurs incriminé). La troisième a survécu mais j’y ai compté le plus de varroas au traitement de décembre (et c’est une ruche 6 cadres). Les ruches qui étaient orphelines lors du traitement et qui ont réméré après, ont également bien survécu.

En conclusion, je pense aujourd’hui que les champs fleuris d’automne affaiblissent très probablement les abeilles, que ce soit par épuisement ou par intoxication. Mais l’infestation de varroas vient certainement accentuer cet effet. Une ruche libérée de sa charge de varroas avant de pondre les abeilles d’hiver est certainement plus résistante. La méthode allemande, à l’acide oxalique aspergé sur les cadres libres de couvain, semble efficace, pour autant qu’on veille à n’effectuer le traitement qu’en absence totale de couvain.  Elle peut se faire de manière « inversée » (hausse en haut), c’est certainement moins lourd pour le dos. Quant aux cadres de hausses contenant le couvain pondu durant l’isolement de la reine, plutôt que de vouloir le récupérer… il vaut peut-être mieux les donner aux poules.


Didier N.