Noa Simon-Delso – (CARI)
présenté le 28/5/2018 à  l'IBGE dans le cadre de la journée :
« Quelle ville pour les abeilles? Quelles abeilles pour la ville? »

Depuis 1996, un taux élevé de pertes de colonies d’abeilles (Apis mellifera) a été signalé dans de nombreux pays d’Europe (Potts et al. 2010) d’Asie et des Etats-Unis (VanEngelsdorp et al. 2009). L’enjeu économique et écologique représenté par la perte de ces pollinisateurs a mené à la mise en œuvre de nombreuses études sur le sujet, dans le but de déterminer les causes potentielles de mortalité des abeilles (Epilobee, réseau Coloss…).
L’étude Epilobee réalisée entre 2012 et 2014 et à laquelle ont participé 17 Etats membres de l'Union européenne, a montré que la Belgique a le taux de mortalité le plus élevé d’Europe. Les pertes de colonies d’abeilles déjà élevées (de 20 à 30%) ont atteint cet hiver 2017-2018 des taux historiques et en particulier à Bruxelles.

Pertes par année (Bruxelles)

 Attention, ceci sont des résultats préliminaires


La figure ci-dessus montre graphiquement les facteurs de stress pour la santé des colonies:

 1) facteurs de stress inhérents aux colonies d‘abeilles :
 (a) infestation par des parasites comme l‘acarien Varroa destructor  
 (b) virus et maladies spécifiques d‘Apis mellifera en Europe (Nosema ceranae, etc.)
 (c) perte de diversité génétique (sélection des reines)

2) facteurs de stress externes aux colonies d‘abeilles :  
 (a) anthropisation de l‘environnement (urbanisation accrue, agriculture intensive, fragmentation de l‘environnement, perte d’habitat naturel),  
 (b) utilisation de pesticides (agissant parfois en synergie), ce qui conduit à une diminution de la biodiversité et à la pollution des ressources alimentaires des abeilles
 (c) les conditions  météorologiques et l‘impact du changement climatique
 (d) les espèces invasives : le frelon asiatique (Vespa velutina) et le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida)
 (e) la gestion apicole
 (f)  autres : ondes électromagnétiques, rayonnements, etc.

La situation pour les abeilles sauvages peut ressembler à ce même schéma (en omettant la gestion apicole).

Bien que les scientifiques s’accordent pour dire qu’il s’agit d’une combinaison de facteurs de stress, qui seuls ou en synergie, provoquent le phénomène de mortalité croissante observée en ville et en particulier à Bruxelles , jusqu’à présent aucune étude n'a intégré tous/une majorité des facteurs de risques.

1)Parasites et Pathogènes
Il existe de nombreux pathogènes de l'abeille (virus, arthropodes, protozoaires, bactéries, champignons, ...), mais leur simple présence n'indique pas le déclenchement de la maladie.
Des interactions entre pesticides et pathogènes ont bien été décrites par différents auteurs, de même que l'interaction entre Noséma et des pesticides comme les néonicotinoïdes.
Des interactions entre différents pesticides et des virus ou Varroas sont bien connues.
Il est intéressant de noter que les auteurs ont également décrit un appauvrissement immunitaire des larves exposées à ces  combinaisons.

EPILOBEE (2012-2014)
Cette étude épidémiologique a révélé en Belgique une faible prévalence des loques, de la Nosémose et du virus de la paralysie chronique (CBPV) malgré un taux de mortalité parmi les plus élevés d'Europe : 32.4% au cours de l'hiver 2012-2013 et 14.8% durant l'hiver 2013-2014.
La mortalité est positivement corrélée avec: l'âge de l’apiculteur, la volonté de continuer, la diversité du paysage autour du rucher, le niveau d’infestation moyen de Varroa (Roelandt et al., 2016)

Il y a eu une réaction positive des apiculteurs à la suite du projet Epilobee et, en septembre 2016, l’AFSCA a lancé le projet HEALTHYBEE (2016 - 2018) dans le but de surveiller la santé des abeilles, d’obtenir des chiffres objectifs concernant la mortalité et de tenter d’en identifier les causes principales.
Cette étude prévoyait des prélèvements d'échantillons de pollen afin d'y mesurer des résidus chimiques (pesticides et fongicides) et une surveillance accrue de l'apparition du petit coléoptère des ruches.
Ce projet comporte des ruches suivies à Bruxelles
 Résultats partiels du projet HEALTHYBEE 2016-2017 : Une mortalité de 27.9% confirme une relation significative entre l'infestation par Varroa et la survenue d'une mortalité. La présence d'au moins 2 résidus de pesticides a été constatée dans les pollens : dans 16% des échantillons la situation a été considérée comme préoccupante mais dans aucun des échantillons l'exposition n'a été considérée comme présentant un risque élevé pour la santé de l'abeille.
On est toujours en attente des résultats de l'année 2017-2018 mais le monitoring de la santé des abeilles est repris dans le Plan fédéral Abeilles 2017-2019 https://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/plan_abeille_fr_internet_2.pdf

BEESYN ( janvier 2018—2020 )
L’objectif de cette étude est d’identifier l’impact des produits chimiques sur la mortalité des abeilles domestiques en tenant compte des interactions de ces produits avec les autres causes potentielles de mortalité ( facteurs de stress tels que pathogènes, parasites, gestion des colonies d’abeilles, ressources alimentaires, modifications climatiques).
L’étude devrait pouvoir donner des recommandations au monde politique sur certains points importants comme les procédures d’autorisation de certaines molécules à risque (médicaments, produits phyto-pharmaceutiques, biocides). Il devrait également donner des conseils pratiques au monde apicole, proposer une boîte à outils avec des indicateurs de la bonne santé des colonies et un plan de surveillance des pesticides (clothianidine, thiaméthoxame,  fipronil , imidaclopride).  https://butine.info/beesyn-une-approche-holistique-pour-un-projet-de-recherche-ambitieux/

Par ailleurs le Plan fédéral Abeilles comporte également le projet BELBEES («Multidiciplinary assessment of BELgian wild BEE decline to adapt mitigation management policy») pour une durée de 4 ans .
Il se clôturera au premier semestre 2018. L’objectif de ce projet de recherche  est de collecter et d’analyser des données sur les changements historiques et récents dans les populations d’abeilles sauvages et d’évaluer le rôle respectif des causes présumées de ce déclin, en vue de formuler des propositions concrètes pour restaurer le service de pollinisation.

2. Génétique : deux projets ont été lancés :
- Le Projet SelApis (ULiège) dont l'objectif lors du lancement en 2012 était d'analyser et améliorer la génétique d'Apis mellifera en vue de lutter contre Varroa destructor et de mettre les résultats au bénéfice de l'apiculture wallonne.
- Varresist (U Gent) qui fait partie du Plan Fédéral abeilles et vise à identifier des marqueurs moléculaires de la tolérance/résistance au Varroa destructor chez les abeilles mellifères.

Aucune donnée n'est disponible pour Bruxelles.

3. Nutrition
La nutrition et la recherche de nourriture, tant en quantité qu‘en qualité, sont des facteurs clés de la santé des abeilles. Ces deux éléments déterminent la productivité et le dynamisme de la colonie, l‘immunocompétence des abeilles, et assurent d‘importants processus de régulation au sein de la colonie, comme l‘élevage du couvain et la thermorégulation. La diversité des pollens est essentielle pour façonner la physiologie de l‘abeille .
Les analyses palynologiques du pollen ou du pain d‘abeille peuvent identifier la diversité du pollen apporté à la colonie et établir s‘il existe un risque de carences nutritionnelles.

Balances  : 16 balances sont distribuées en Wallonie et à Bxl , dont 2 en ville (Liège et Bxl)
Les balances de Bruxelles enregistrent la plus haute température.
Les récoltes à Bruxelles et ailleurs sont comparables, voire même un peu plus importantes en ville. En relation avec la disponibilité plus précoce des ressources liée à la température?

Analyse de miels : Les ressources nutritionnelles à Bruxelles (estimées par la présence de pollen dans les miels analysés) proviennent principalement de ronces, fruitiers, trèfle, châtaignier, saule, troène, tilleul, famille du marronnier, brassicacées, rosacées,) tandis qu'en Wallonie dominent nettement les Brassicacées

La mesure de la conductivité des miels permet d'estimer la présence de miellat. Au fil des années les chiffres sont systématiquement plus élevés à Bruxelles où les espèces ligneuses sont particulièrement importantes en ce qu'elles fournissent du pollen , du nectar et également du miellat.

En Région de Bruxelles-Capitale, un projet de recherche intitulé «Évaluation des ressources alimentaires pour les abeilles en Région de Bruxelles-Capitale» est en cours de réalisation par l’ULB. Ces premiers résultats tendent à démontrer que les aménagements locaux et l’agriculture urbaine peuvent être d’excellents habitats pour les abeilles sauvages  
Trouvé dans le projet "Plan fédéral Abeilles 2017-2019"

Habitat et Ressources  : Selon une étude de l'IBGE, la Région de Bruxelles-Capitale comptait, en 2013, 260 sites potagers représentant une superficie cultivée de 56 hectares soit 0,35% de son territoire. 
Les bois et les forêts, les parcs et les espaces verts, les jardins privés, les terres agricoles, les friches, les terrains de jeux, les cimetières… couvrent près de 50% de sa superficie, soit environ 8.000 hectares
http://geoportal.ibgebim.be/webgis/indic_ev_deg.phtml

4. Contaminants
1) une étude réalisée en 2015 par l'ISP en collaboration avec le CARI dans des miels récoltés dans des zones proches ou éloignées de source de pollution à la recherche de métaux lourds (Pb, Cd , As, Cu, Zn, et Ni).
- Il n'y avait pas de contamination plus importante à proximité des zones les plus polluées
- Le miel ne représente pas une source de danger pour les consommateurs en termes de métaux lourds .

2) une étude réalisée en 2016 sur le pollen par BeeOdiversity : montre des concentrations un peu plus élevées des mêmes métaux lourds dans les échantillons récoltés dans le Centre et le Nord de Bruxelles.

3) PolBEES (2018-2020) CRA-W a pour objectif de :
- Vérifier la présence de résidus de pesticides systémiques dans le pollen de trappe et du pain d’abeille dans des ruches et des nids d’osmies .
- Estimer la diversité restreinte des ressources alimentaires.

En conclusion: il existe peu de données concernant Bruxelles, ce qui nous fait dire qu’il y a :

- Un besoin réel de mettre ensemble les données crées par différentes initiatives.
- Malgré les obstacles il existe des  opportunités pour Bruxelles et son écosystème urbain…
- Il est donc nécessaire d’utiliser toutes les ressources disponibles.


Michèle