Si par chance vous rencontrez un apiculteur nonagénaire, il vous confiera à quel point l’apiculture était une activité de tout repos jusqu’il y a trente ans.  A entendre nos vénérables prédécesseurs, il suffisait d’élever une colonie au fond du jardin, de récupérer les essaims et de récolter en fin de printemps et vers la mi-juillet.

Cette pratique paradisiaque d’une apiculture de tout repos n’existe plus depuis les années ’80, lorsqu’un arthropode membre du sous-embranchement des chélicérates Varroa destructor1  (décrit par Anderson & Trueman en 2000) apparut dans nos ruches. Si les premières années les acaricides de synthèse laissèrent à croire que l’acarien venu d’Asie pourrait disparaître, très vite le parasite développa une résistance aux pesticides.

Aujourd’hui, nous vivons sous le règne conjugué du varroa et des pesticides. La lutte contre le minuscule acarien nécessite la mise en œuvre de moyens de luttes variés et contraignants si nous voulons pouvoir sauver nos colonies. De l’interruption de la ponte, suivie de fumigations, au traitement d’hiver en passant par le cadre à mâle et le traitement d’été, les interventions sont nombreuses. Encore vivons-nous dans la crainte que certains de ces traitements sélectionnent des souches de varroas résistantes.

Restent deux voies pour sortir de cette crise : soit laisser opérer la sélection naturelle, soit faire de l’abeille même l’agent de la lutte. La première méthode est impraticable économiquement et moralement. La seconde réunit une constellation de chercheurs, d’éleveurs et d’apiculteurs autour de la sélection d’abeilles VSH (Varroa Sensitive Hygienic).

Pour ne pas faire un cours sur la biologie de V. destructor, disons que le comportement VSH se rencontre chez des abeilles qui sont capables de détecter une femelle varroa et sa progéniture sur une nymphe d’abeille. Une fois l’acarien repéré, la cellule est désoperculée, la nymphe et les varroas parasites sont expulsés au dehors de la ruche.
Un programme européen de sélection d’abeille VSH se développe (https://aristabeeresearch.org) à l’échelle planétaire pour sélectionner des souches en buckfast, carnica et noire.
Au sein de Bruxelles m’abeilles, un petit groupe d’apiculteurs passionnés par la sauvegarde de l’abeille noire (Apis mellifera mellifera Linné 1758) travaille régulièrement avec Hubert Guerriat2 qui anime la station de fécondation de Chimay. Plusieurs membres de ce « groupe noiriste » se sont également engagés dans le projet Arista Belgium. Il s’agit d’une part d’élever des souches de reines et de mâles porteurs du caractère génétique VSH via le rucher d’élevage de Bruxelles m’abeilles et d’autre part de se joindre au projet de science participative impulsé par le projet Arista Bee Research Belgium.

L’élevage et la fécondation contrôlée par l’insémination artificielle des reines afin d’augmenter la prévalence du caractère VSH demande déjà un fameux investissement au rucher élevage, mais dans le cadre de la sélection de colonies VSH, il faut aussi élever délibérément des varroas, faire des comptages, s’entrainer à greffer des larves,…
Bref, le travail ne manque pas et le défi est passionnant à relever, donc si le cœur vous en dit et que vous avez terminé votre formation générale en apiculture, nous vous invitons à venir faire connaissance avec A. mellifera mellifera, l’abeille noire VSH et à participer à nos travaux pratiques.

Luc HELEN

1.Qui comprend les araignées, scorpions, opilions ou faucheux, les pseudoscorpions, les acariens, …
2. Par ailleurs auteur de « Etre performant en apiculture »